Apocapitalypse
Par Timotéo Sergoï
« Car c’est là la place du poète dans la révolution : tu te tiens debout sur le trottoir et tu souffles à l’oreille des hommes et des femmes des mots de charbon rouge et de pluie bleue, des phrases d’orage doux et de soie rêche au toucher. Ta place n’est plus dans les livres, les bibliothèques ou les centres culturels stériles. Ta place est debout parmi les braseros. »
Que peut la poésie pour la démocratie ? S’inscrire dans une vigilance à la dynamique démocratique, c’est d’abord une attention à la capacité de se questionner, un éveil au doute, une vigilance au prêt-à-penser. C’est un effort permanent de la pensée critique et du libre examen, parallèlement à une place pour les émotions, pour les sens, pour ce qui relève du vécu. Et c’est accessible à toutes et tous : nous sommes tous légitimes pour faire de la poésie. Elle n’est réservée à personne.
Ils disent grand, ils disent barbu, ils disent maigre. Ils disent que sur les murs de la ville, il colle de la main droite ce qu’il écrit de la main gauche. Ils disent noir, ils disent triste, ils disent fin. Fin comme du sel ou fin comme fin du monde ? On ne le saura jamais. Ils disent muet comme un gardien. Dans quel but ?
Auteur d’une douzaine de livres dont des carnets de voyage, une bio de Blaise Cendrars et une poésie griffée d’étoiles, Timotéo a la cinquantaine poilue. Il vit entre deux villes et deux ciels, pris en un sandwiche au goût d’encre et d’eau.
Mot de l’éditeur
Depuis leur création en 1993, les Territoires de la Mémoire cherchent à proposer des modes d’action pour résister à tout ce qui nous opprime, pour instiller du doute dans les certitudes et idées toutes faites, pour faire émerger le questionnement. À travers ce livre, c’est dans le champ de la poésie qu’est proposée une autre manière de résister et plus exactement de ne pas se soumettre.
Pourquoi la poésie aux Territoires de la Mémoire ? Que peut-elle en et pour la démocratie ? S’inscrire dans une vigilance à la dynamique démocratique, c’est d’abord, selon nous, une attention à la capacité de se questionner, un éveil au doute, une vigilance au prêt-à-penser. C’est un effort permanent de la pensée critique et du libre examen, parallèlement à une place pour les émotions, pour les sens, pour ce qui relève du vécu. Et c’est accessible à toutes et tous : nous sommes toutes et tous légitimes pour faire de la poésie. Elle n’est réservée à personne.
Il s’agit donc de donner aussi la parole à l’émotion et non exclusivement à la déduction logique, donner la parole au poète, à son regard et à ce qu’il peut nous faire voir de la complexité du réel.
Des poètes ont lutté et luttent encore contre les dictatures, les injustices, celles de régimes politiques autoritaires, répressifs et démocratiques. Cette lutte est aussi menée contre les autres dictatures, celles qu’on ne perçoit pas nécessairement parce qu’elles font partie des ingrédients du bain culturel dans lequel nous évoluons chaque jour : la dictature de l’argent, du temps, du chiffrable, de la consommation, de la rentabilité, du langage essoré, de la bonne morale (qu’elle soit religieuse ou pas), du convenu, de la pensée binaire.
La poésie est partout, tout le temps, de toute part. Elle crée des images autour de nous, des images le plus souvent inattendues. Elle revêt des formes aussi nombreuses qu’il y a de poètes et ces poètes, c’est nous tous. Comme pour la démocratie, la poésie est perpétuellement en mouvement. L’une et l’autre sont animées au quotidien par chacun d’entre nous.
Le présent livre a été réalisé dans le prolongement du projet « Bibliothèque insoumise » au cours duquel fut proposée l’exposition « Poésie insoumise », réalisée par les Territoires de la Mémoire et visible en mars et avril 2019. Timotéo Sergoï fut l’un des contributeurs de cette exposition. Ce projet visait à proposer un regard : un regard sur la poésie, le poème, le poétique, mais dans leur caractère insoumis, en tant que possibles outils de lutte, de refus, de pas de côté, de proposition alternative. Dans la lignée de notre travail contre toutes les formes de déshumanisation, le projet « Bibliothèque insoumise » souhaitait évoquer ce qui peut, à l’inverse, favoriser un supplément d’humanité. Sans prétendre à l’exhaustivité, ni en termes de définitions, ni en termes de poésie et de poètes engagés, résistants ou impliqués… juste souffler quelques pistes inspirantes dans le rapport que l’on entretient à notre humanité. Parce que c’est bien de cela qu’il s’agit dans le fond : notre commune humanité, notre rapport à l’autre, à nous-mêmes et ce qui nous est nécessaire pour vivre ensemble.
Critique
Pour consulter la critique de Véronique Bergen sur le site "Le Carnet et les Instants", cliquez-ici.
Disponible également sur notre boutique : Il faut que tu comptes parmi nous (Territoires de la Mémoire, 2021) du même auteur.
Fiche technique
- Collection
- Points d'encrage
- Date de parution
- Janvier 2020
- Nombre de pages
- 40
- Format
- 11 x 16.8
- ISBN
- 978-2-930408-45-3
- Dépôt légal
- D/2019/9464/3